ACCOMPAGNER LES PERSONNES EN DEMANDE D'ASILE : DÉFIS ET PERSPECTIVES
Par Dorcas Destinoble, directrice générale
Au cœur de l’intégration sur le marché du travail québécois se pose un défi, revêtant une importance cruciale et complexe : l’accompagnement de personnes en demande d’asile. Originaires de régions en conflit ou sujettes à des persécutions, ces dernières fuient principalement pour des raisons de sécurité. Néanmoins, l’opinion publique peut parfois les lier à une recherche d’amélioration économique et sociale, négligeable dans leurs pays d’origine. Leur objectif est de rebâtir leur vie, de s’intégrer et de contribuer à la société en accédant à des emplois stables, renforçant ainsi leur nouvelle communauté.
En 2021, le Québec a enregistré 4 095 demandes d’asile, une statistique presque discrète qui a pris un incroyable envol en 2022 pour atteindre un chiffre de 39 171. Cette augmentation vertigineuse de 856 % a provoqué des réactions contrastées et une tension palpable.
Un parcours en employabilité semé d’embûches
Une fois arrivées au Québec, les personnes en demande d’asile se retrouvent au cœur d’un labyrinthe, rempli de défis. Leur quête prioritaire? Décrocher un emploi pour se fondre dans leur nouvelle réalité, tout en jonglant pour ne pas perdre leurs compétences professionnelles durement acquises ailleurs. À cette étape cruciale, l’intégration sur le plan professionnel ressemble à un casse-tête ardu, agrémenté d’obstacles tels qu’un processus de demande de permis de travail à la fois nébuleux et interminable — bien qu’il faille noter qu’à partir de novembre 2022, ce processus a été accéléré par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Les personnes en demande d’asile se retrouvent néanmoins avec un numéro d’assurance sociale commençant par le fameux chiffre « 9 », assorti d’une date d’expiration digne d’une épée de Damoclès.
Une fois en possession d’un permis de travail, la plupart se lancent dans une saga de postes précaires, que ce soit dans le domaine manufacturier, la transformation alimentaire ou les soins aux personnes. Ces choix limitent facétieusement leur éventail de compétences. Les contrats temporaires, associés à l’exclusion des avantages tels que les garderies subventionnées, ajoutent une touche de trébuchements à leur parcours, complexifiant davantage la route vers une intégration professionnelle réussie. Aspirer à des emplois qualifiés se transforme en un véritable défi, et l'accès restreint aux services d'employabilité exacerbe leur vulnérabilité sur le terrain professionnel.
Défis et complexités de l’accompagnement
Cette spectaculaire montée en flèche du nombre de personnes en demande d’asile « déferlant sur le territoire québécois » met à rude épreuve les ressources et les capacités des organismes, mettant ainsi en péril la qualité et la personnalisation des services essentiels. En 2023, ces défis persistent, accentuant le besoin continu de services vitaux pour ces individus.
La barrière linguistique constitue un autre défi substantiel. Une maîtrise limitée de la langue peut restreindre l’accès à l’accompagnement en emploi, perturbant la progression des personnes en demande d’asile sur le marché du travail. L’apprentissage linguistique sur mesure et la formation continue se révèlent incontournables pour désamorcer cette dynamique et renforcer leur intégration.
Les barrières administratives et les différences dans les normes professionnelles entravent souvent la pleine valorisation des qualifications acquises à l’étranger. Cependant, des solutions telles que l’évaluation comparative des diplômes et la participation à des formations qualifiantes en milieu de travail peuvent jouer un rôle essentiel pour surmonter ces obstacles, et ainsi favoriser une intégration professionnelle plus réussie.
Sur le plan légal et administratif, le statut de demandeur d’asile apporte son lot de contraintes. Les délais de traitement des demandes et les restrictions liées au permis de travail qui est accordé pour une période limitée engendrent une incertitude qui peut entraver la recherche et la stabilité d’emploi. Naviguer dans ce contexte épineux requiert une expertise particulière, mettant en évidence le besoin d’un accompagnement spécifique et adapté à cette population.
Les organismes spécialisés en employabilité (OSE), dans le cadre de leurs ententes avec le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS), offrent habituellement un soutien essentiel pour atténuer les obstacles rencontrés par les chercheurs et chercheuses d’emploi ou les personnes éloignées du marché du travail. Cependant, cette assistance est presque totalement absente pour les personnes en demande d'asile, car elles ne sont pas admissibles aux services publics d'emploi (à l'exception de quelques projets pilotes).
Perspectives et potentiels
Les personnes en demande d’asile ont apporté une touche de diversité au marché du travail. Leurs expériences internationales, compétences diversifiées et volontés de participer apportent une réelle valeur ajoutée à la force de travail au Québec. Leur contribution est cruciale pour atténuer les difficultés de recrutement dans de nombreux secteurs, soulignant ainsi leur rôle essentiel dans la réponse aux besoins de main-d’œuvre.
Des initiatives novatrices ont émergé pour dépasser les obstacles. Le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) du Québec a publié une directive au mois d’août 2023, qui accorde le droit à une éducation gratuite dans les cégeps à une centaine de personnes en demande d’asile. Des programmes, tels que le projet-pilote dans le secteur touristique en partenariat avec le MESS, illustrent une approche ciblée pour favoriser l’intégration professionnelle d’environ 1000 personnes demandeuses d’asile qui aspirent à s’intégrer dans le secteur touristique d’ici 2024. Une approche qui devra impulser à la fois leur insertion professionnelle et leur bien-être au sein de la société québécoise.
Après tout, quoi de plus captivant que de découvrir les beautés du Québec en aidant les visiteurs à déplier leur carte touristique tout en dépliant son propre avenir professionnel?
Le défi crucial d’accompagner les personnes en demande d’asile sur le marché du travail québécois ne doit pas être ignoré. Leur diversité et compétence, malgré les obstacles, renforcent l’économie locale et enrichissent le Québec. Reconnaître leur potentiel, c’est élever notre société.
Références :
• Jill Hanley (2020). Les enjeux liés au travail des personnes en demande d’asile en temps de COVID19. Montréal, Canada.
• Gouvernement du Canada (2023). Statistiques sur les demandes d’asile au Québec.
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